Accueil / Actualité / Colloque CIGPA TURQUIE-EUROPE- MONDE-ARABE

Colloque CIGPA TURQUIE-EUROPE- MONDE-ARABE

Publié le

Il s’agit du second colloque international que notre Centre International de Géopolitique et de Prospective Analytique (CIGPA) organise à Paris, en partenariat avec l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) que dirige Emmanuel Dupuy. Le premier colloque (7 mai 2016) établissait un bilan très critique du « printemps arabe » et réunissait des Premiers-ministres (Sid-Ahmed Ghozali), des ministres arabes et africains (Mohamed Dahlan, Kamel Morjane, Rafik Chelly, Sylvain Ndoutindaï, …), des universitaires (Vittorio Craxi, Ghazi Ben Tounès, Bernard Godard..) et des journalistes (Majed Nehmé, Jacques-Marie Bourget, Richard Labevière). Celui du samedi 15 octobre 2016, a été consacré aux « conséquences de la politique turque sur les mutations géopolitiques au Moyen-Orient ».

colloque-cigpa-paris-15-oct-2016-tao-94-1

Le colloque s’est ouvert par un discours de notre Président, Mezri Haddad, dans lequel il a précisé que le but de cette rencontre n’est pas de stigmatiser la Turquie en tant que pays et en tant que peuple mais de dévoiler la nature exacte du régime erdoganien. « En réunissant des spécialistes, des universitaires, des hommes politiques, des diplomates et des journalistes européens et arabes, nous avons voulu étudier de façon objective la situation politique en Turquie et surtout conjecturer l’avenir immédiat, aussi bien sur le plan interne que géopolitique », a insisté le Président de CIGPA.

Animé et modéré par José Manuel Lamarque, journaliste à Radio France Inter, le premier panel comptait Hassan Asfour, ancien Ministre de l’Autorité palestinienne qui a fait le voyage de Jordanie à Paris. Sa communication en arabe et simultanément traduite au français, traitait de « La Turquie des Frères musulmans est bien néo-ottomane ». Il a remarquablement démontré que, même si Recep Tayyip Erdogan vient de la ramification turque des Frères musulmans, c’est un homme qui n’a aucune contrainte idéologique du moment où le but fixé est la restauration d’un empire néo-ottoman.

Le second à parler est David Rigoulet Roze, rédacteur en chef de la revue « Orients Stratégiques »,  spécialiste de questions militaires et chercheur associé à l’IPSE. Il a traité des ambitions néo-ottomanes d’Erdogan ». Son successeur à la tribune, François Campagnola, également chercheur associé à l’IPSE, est revenu sur le passage du kémalisme à l’islamisme, « comment la Turquie a basculé de la République laïque à la République islamique ». Pour lui, le système Erdogan n’est pas islamiste dans le sens courant du terme mais un mélange assez subtil de conservatisme religieux et de nationalisme.

Après l’intervention du chercheur tunisien Mohamed Troudi, qui a rappelé la longue histoire des conflits entre l’Empire russe et l’Empire Ottoman, c’était à Caroline Galactéros, docteur en sciences politiques et colonel au sein de la réserve opérationnelle des Armées, de traiter de « La Turquie au Moyen-Orient ou l’art de jouer sur tous les fronts ». Elle a mis en exergue la duplicité et l’hypocrisie d’Erdogan dans tous les conflits qui se jouent actuellement dans la région.

Toujours dans ce second panel, l’égyptien Abdel-Latif Menawy, écrivain et patron des la chaine de TV Al-Ghâd, s’est penché sur les relations historiques, idéologiques et politiques entre les Frères musulmans égyptiens et sa ramification turque. Dans sa conclusion, il a dénoncé l’ingérence du régime turc dans les affaires intérieures égyptiennes et précisé qu’après « la seconde transition démocratique de 2014, l’Egypte avait repris son rôle de leadership dans le monde arabe ».

Michel Raimbaud, ancien Ambassadeur de France et auteur de « Tempête sur le Grand-Moyen-Orient », a parlé du rôle de la Turquie dans la crise syrienne, qui a été selon lui « négatif et même destructeur ». Le diplomate a laissé entendre qu’il existait « des relations troublantes entre le régime d’Erdogan et certains groupes djihadistes, y compris ceux de l’état dit islamique ». Il a ajouté qu’après avoir été elle-même touchée par le terrorisme, « la Turquie a rallié la coalition pour combattre Daech…sans pour autant renoncer au bombardement des troupes Kurdes, les redoutables ennemis des daéchiens » !

L’ancienne responsable libyenne de la condition féminine, Zohra Mansour, n’a pas vraiment donné de conférence mais prononcé un discours passionné et émouvant dans lequel elle a violemment critiqué la Turquie « dont les troupes étaient au sol libyen au moment de la guerre contre la Libye pays ». Elle a conclu par un « J’accuse Erdogan d’avoir commis des crimes dans mon pays ».

Le troisième panel a réuni Monsieur Charles Million, ancien Ministre de la Défense sous la présidence de Jacques Chirac, Renaud Girard, le célèbre géopoliticien et chroniqueur du Figaro, Bernard Godard, l’ancien haut fonctionnaire des Renseignements généraux, Younous Omarjee, Député européen, et Jean Marcou, professeur à l’Institut d’Etudes politiques de Grenoble et grand spécialiste de la Turquie. Ce panel a été animé par Jacques-Marie Bourget, ancien grand Reporter et correspondant de guerre à Paris-Match, et Khaled Zaghloul, correspondant du quotidien égyptien Al-Ahram et de plusieurs télévisions arabes.

L’ancien ministre de la Défense, Charles Million, a évoqué la question sensible de l’intégration de la Turquie au sein de l’Europe. Selon lui, « il serait désormais très difficile d’accepter la Turquie dans l’Union européenne compte tenu du changement radical du régime turc, notamment sur les questions des droits de l’homme et de la liberté de presse ». Selon l’ancien ministre, les événements de juillet dernier, avec le putsch raté, « ont révélé la véritable nature despotique de ce gouvernement idéologique ». Il est par conséquent impossible que la Turquie rejoigne l’espace politique et civilisationnel européen.

Renaud Girard a été dans le même sens évoquant l’impossibilité structurelle et indépassable d’intégrer la Turquie à l’UE. Il a ensuite remarquablement fait la démonstration de tous les paradoxes du régime turc, « pas uniquement au niveau de la politique intérieure mais aussi sur le plan international ».

Grand spécialiste de l’islamisme en France, l’ancien cadre des Renseignements généraux, Bernard Godard, a abordé le point névralgique des « réseaux des Frères musulmans de la Turquie en Europe ». Il a indiqué que même si on ne peut pas à proprement parler de réseaux turcs, le militantisme islamiste de certains membres de la communauté turque en Europe est un fait indéniable ». D’une façon ou d’une autre, la Turquie a une influence sur l’évolution de l’islam en France.

Le Député européen, Younous Omarjee, qui revient précisément d’une mission d’observation aux frontières turco-syriennes, s’est penché sur la question douloureuses des réfugiés et des candidats à l’émigration vers l’Europe. Selon lui, le gouvernement turc, « malgré ses efforts et les moyens financiers qui lui ont été accordés, n’a pas été à la hauteurs des attentes européennes ».

A la suite d’une conférence magistrale du professeur Jean Marcou, éminent spécialiste de la Turquie et Professeur à l’Institut d’Etudes politiques de Grenoble, c’était au tour de Pierre Berthelot, responsable des études méditerranéennes de l’IPSE, de faire la synthèse du colloque qui a duré plus de cinq heures. Il a résumé les différentes interventions et estimé que « même en une après-midi entière, la question turque reste inépuisable ». « Nos auditeurs, invités et journalistes ont toutefois une meilleure idée sur le gouvernement turque, sur ses orientations politiques et surtout sur les grands enjeux géopolitiques qui se jouent actuellement dans la région ».

C’était enfin au tour de Mezri Haddad de prendre la parole pour insister sur « l’imposture de l’union du politique et du religieux dans toutes les civilisations », pour rappeler que « le régime turc a joué un rôle néfaste dans le printemps arabe qu’il a tenté de soumettre à ses ambitions néo-ottomanes en fleuretant avec des mouvements djihadistes dont certains se sont retournés contre lui » et pour pointer du doigt « la dérive autocratique du régime turc ». Comme le Qatar, la Turquie assume une lourde responsabilité dans la métastase de la gangrène islamo-terroriste…

Après avoir remercié tous les conférenciers et les invités d’honneurs, dont le doyen des Ambassadeurs africains en France et Ambassadeur du Tchad à Paris, Son Excellence Hissein Brahim Taha, l’Ambassadeur djiboutien Rached Farah, Mikhail Ermakov, l’attaché Naval à l’Ambassade de Russie en France, et Evagoras Mavrommatis, le Président de la communauté grecque et chypriote en Europe…., Mezri Haddad a clôturé le colloque par un message très diplomatique et subliminal : « Avec la nouvelle tournure dans les relations turco-russes, ont peut espérer que par l’influence de Vladimir Poutine, le président turc changera sa politique à l’égard des pays arabes et renoncera à son ambition démesurée et néo-califale dans la région ».

Hassan Asfour, ancien Ministre de l’Autorité palestinienne
Hassan Asfour, ancien Ministre de l’Autorité palestinienne

 

Samira Hendaoui, Directrice de la communication au sein de CIGPA.  

One thought on “Colloque CIGPA TURQUIE-EUROPE- MONDE-ARABE

  1. j’ espère que ce colloque a permis de soulever le voile du doute qui couvre les rôles que joue La Turquie dans la région des conflits , et la présence des hommes de Erdogan jusqu’au Sinai et celle de ses vassaux jusqu’en Tunisie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Top